A 95 % de l'énergie des quarks et des gluons, répondent les physiciens du Centre de physique théorique de Marseille (1). Menés à partir du modèle standard qui décrit les interactions entre particules élémentaires, leurs calculs prouvent que la masse du proton résulte principalement de l'énergie portée par ces tous petits "éléments" que sont les quarks et les gluons, au travers de la célèbre formule d'Einstein E=mc2. Cette prouesse confirme la validité d'une théorie pour dépeindre les interactions fortes entre particules. Publiés dans Science le 21 novembre 2008, ces travaux ont été accomplis grâce à des supercalculateurs parmi les plus puissants au monde. Ils permettent d'envisager l'arrivée d'une nouvelle théorie en physique fondamentale, au-delà du modèle actuel, avec d'éventuelles découvertes dans le domaine des interactions faibles de quarks.
Dans les noyaux des atomes, on trouve des protons et des neutrons. Ceux-ci sont eux-mêmes constitués de quarks et de gluons, sortes de petites sous-structures fondamentales. Or, la masse des gluons est nulle. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la masse des quarks qui composent un proton ne représente que 5% de la masse de ce dernier. D'où proviennent donc les 95% restants ?
Une équipe de physiciens français, allemands et hongrois vient de prouver que ces 95% résultent de l'énergie due aux mouvements des quarks et des gluons, et à leurs interactions. Une masse issue d'une énergie, c'est un résultat quelque peu déroutant, pourtant traduit par la célèbre formule d'Einstein E=mc2 énonçant l'équivalence entre masse et énergie. Jusqu'ici hypothèse, ce résultat est pour la première fois corroboré.
Les chercheurs, pilotés en France par Laurent Lellouch, directeur de recherche CNRS au Centre de physique théorique, se sont appuyés sur plus de vingt ans de recherches effectuées par des physiciens du monde entier. Partant des équations de la chromodynamique quantique (2), c'est-à-dire la théorie qui décrit les interactions fortes, ils sont parvenus à calculer la masse des protons, des neutrons et autres particules du même type (3). Résultat, les masses obtenues par le calcul sont en excellent accord avec celles mesurées expérimentalement. Les chercheurs confirment ainsi que le modèle standard est correct pour décrire l'origine de la masse de ces particules et donc celle de plus de 99% de l'univers visible, comprenant le Soleil, la Terre, nous-même et tous les objets qui nous entourent.
Pour parvenir à leurs fins, les chercheurs ont utilisé une approche où l'espace-temps est envisagé comme un réseau cristallin à quatre dimensions, composé de sites espacés le long de rangées et de colonnes. Leur principal défi était d'arriver à une solution qui corresponde à notre espace-temps continu, tout en contrôlant toutes les sources d'incertitudes liées aux calculs sur réseau. Sur le plan pratique, ce travail marque l'arrivée à maturité de méthodes numériques pertinentes pour l'étude des interactions fortes. Il devrait jouer un rôle fondamental dans la nouvelle ère de la physique qui s'ouvre avec le Large Hadron Collider. En effet, contrôler le modèle des interactions fortes pourrait permettre de mettre en évidence de nouveaux effets liés aux interactions faibles de quarks qui sont masqués par les interactions fortes.
Ce calcul s'avère l'un des plus importants calculs numériques effectués à ce jour. Une véritable performance qui a requis les ressources des supercalculateurs Blue Gene de l'Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS) du CNRS et du Forschungszentrum Jülich, mais également des fermes de calcul de l'Université de Wuppertal et du Centre de physique théorique de Marseille.
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lundi 24 novembre 2008
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