vendredi 1 août 2008
Les chercheurs du CERN à la recherche de l’infiniment petit - Sciences - la-Croix.com
À 100 mètres sous terre, à deux pas du lac Léman, les physiciens s'apprêtent à faire d'étonnantes découvertes sur la structure intime de la matière grâce au nouvel accélérateur de particules "LHC"
Le bâtiment du Centre européen de recherche nucléaire à Genève Suisse (photo sous licence "creative commons")
L’événement est de taille. Par le gigantisme de « la » machine. Par son caractère international. Par le nombre de chercheurs, ingénieurs et techniciens impliqués. Et surtout par l’ampleur du défi. Accéder à la structure intime de la matière, tremplin pour une nouvelle physique, un nouveau monde, disent les physiciens les plus optimistes.
Nous sommes au Centre européen de recherche nucléaire (Cern), près de Genève, à la frontière franco-suisse. À quelques semaines du démarrage du Grand Collisionneur de hadrons (1), plus souvent désigné sous son sigle anglais LHC (pour Large Hadron Collider), les chercheurs restent concentrés et vigilants.
Parmi eux, les ingénieurs chargés de la mise en route des différents instruments sont sans doute les plus tendus. « L’accélérateur, les détecteurs et l’informatique sont en bonne voie, a déclaré Robert Aymar, le directeur général du Cern, et nous attendons avec impatience le démarrage du LHC, le plus rapidement possible. »
Un souterrain façon tunnel sous la Manche
À 100 mètres sous terre, dans un souterrain circulaire faisant penser au tunnel sous la Manche et où les scientifiques se déplacent en vélo, les premiers faisceaux de protons devraient commencer à tournoyer dans l’accélérateur au mois d’août.
Et, si tout va bien, l’ensemble de l’expérience devrait être officiellement inauguré à l’automne, le 21 octobre 2008, en présence des chefs d’État et de gouvernement européens des 20 pays concernés.
Décidée en 1984, la mise en œuvre d’une telle entreprise relève véritablement des travaux d’Hercule. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, près de 10 000 hommes et femmes ont travaillé, depuis près de vingt ans, à la mise au point d’une machine, la plus compliquée jamais imaginée (lire Repères).
Réutilisant le tunnel déjà creusé pour l’accélérateur précédent, les techniciens ont fait preuve d’ingéniosité. Deux énormes détecteurs, renfermant plusieurs couches de capteurs agencées en pelures d’oignon, ont été spécialement construits.
Les derniers essais électriques pour bientôt
L’un, Atlas, a été directement monté au fond, à la manière d’un bateau dans sa bouteille. L’autre, CMS, a été assemblé en surface comme des tranches de saucisson de 2 000 tonnes chacune, qui ont été ensuite descendues par une grue spéciale. En janvier 2007, les ingénieurs ont commencé la « mise au froid » d’une partie des aimants supraconducteurs, ces « garde-fous » qui courbent les faisceaux de protons circulant à grande vitesse au cœur de l’anneau.
Bientôt auront lieu les derniers essais électriques. En dehors des difficultés budgétaires dont le directeur général s’est, à plusieurs reprises, fait l’écho (lire La Croix du 1er juin 2006), la seule ombre au tableau réside dans la défaillance en avril 2007 d’un élément des aimants fabriqués par le Fermilab américain, l’un des laboratoires participant à l’expérience mais également un concurrent du Cern puisqu’il héberge dans ses murs le Tevatron, accélérateur qui, lui aussi, est à la recherche du « Graal ».
Les pièces d’aimant ont toutefois été rapidement remplacées sans qu’il soit besoin de solliciter une armée d’avocats. Une fois la machine démarrée, restera sans doute le plus dur : réussir à mettre en évidence le boson de Higgs, la « particule de Dieu » comme disait Leon Lederman, prix Nobel de physique en 1988 et l’un des concepteurs du « modèle standard » de la physique des particules.
Lever le voile sur des mystères de la physique
Au sein de ce modèle théorique visant à expliquer l’organisation intime de la matière à l’échelle subatomique, le boson de Higgs est l’un des derniers éléments du puzzle qui devrait permettre d’expliquer comment les particules ont acquis une masse.
Le boson de Higgs est l’un des derniers éléments du puzzle qui devrait permettre d’expliquer comment les particules ont acquis une masse. Le boson de Higgs, ou le « chaînon manquant » du principal modèle de la physique des particules.
Au-delà de cet objectif premier, le LHC va tenter de lever le voile sur d’autres mystères de la physique. Quelle est la nature de la « matière noire » qui constitue 97 % de l’univers ? Pourquoi, juste après le big-bang, la matière a-t-elle pris le dessus sur l’antimatière, les particules sur les antiparticules ?
Comme on peut s’en rendre compte, les questions et hypothèses posées par la physique des particules sont complexes. L’une des questions est de savoir si les travaux menés par les chercheurs vont captiver les foules (lire l’interview d’Étienne Klein).
Lors d’un week-end portes ouvertes, organisé en avril dernier à Genève avant que le monstre d’acier ne soit totalement mis en boîte, plus de 76 000 visiteurs se sont pressés pour contempler les géants de la physique. Un indice de bon augure sur la curiosité publique.Denis Sergent(1) Les hadrons, particules composites formées de quarks, comprennent notamment les protons et les neutrons.
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